Maudet et l’inhabituelle division de la droite

Pierre Maudet, rejeté par son propre parti, le PLR, en raison de l’affaire qui a fait polémique, semblait prêt à se résigner et à profiter de son nouveau statut prestigieux de « directeur de la transformation numérique d’une PME active dans la cybersécurité[1] » et de sa retraite dorée d’ancien Conseiller d’Etat à laquelle il avait pourtant annoncé vouloir renoncer avant de l’obtenir quand même. Toutefois, on assiste aujourd’hui à son grand retour sur la scène politique genevoise à l’occasion des prochaines élections pour le Grand Conseil et le Conseil d’Etat.

Pierre Maudet en 2019. Image: Creative Commons

À 45 ans, le politicien genevois de droite libérale est un animal politique, et il est sans doute difficile pour lui de renoncer à ce qu’il ressent très probablement comme une passion et une vocation, voire peut-être même une mission. Si on peut faire l’effort de se mettre à sa place pour tenter de le comprendre, il est néanmoins plus difficile d’être témoin de ce grand retour sans grincer des dents. Et ce sont les membres de la droite et de la gauche qui grinceraient des dents… La gauche est choquée d’assister à ce qui peut être perçu comme un sentiment d’impunité, un sentiment qui peut également être partagé par la droite, mais qui nourrit chez elle une plus grande inquiétude encore : Pierre Maudet prend le risque de la diviser et de limiter grandement ses chances de se retrouver à la majorité aux prochaines élections.

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Pegasus dans les mains des mollahs?

Je viens de publier mon nouvel article sur mon blog du journal Le Temps consacré au numérique et ses implications sociétales et numériques. Intitulé « Pegasus dans les mains des mollahs? Les dangers des armes d’espionnage numérique » il s’inquiète du fait que la société israélienne NSO Group vende son logiciel d’espionnage des téléphones mobiles Pegasus à des régimes autoritaires. Fait avéré, le Quatar, le Maroc et les Emirats Arabes Unis en sont les clients. Plus récemment, l’Iran le serait peut-être aussi, comme le craint un journaliste d’un magazine d’investigation en ligne où interviennent des journalistes palestiniens et israéliens qui militent pour la paix entre les deux pays. Cet outil permet le renforcement de la répression qui règne dans ces régimes, mais également des dérapages dans certains pays occidentaux. L’article tente de comprendre pourquoi l’Etat d’Israël se montre aussi tolérant envers une entreprise de son pays qui met à disposition de ses ennemis une telle arme.

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Big Brother contre les femmes

Suite à la catastrophique abrogation du jugement Roe v. Wade mettant un terme à 40 ans de progrès aux Etats-Unis qui aura permis aux femmes de disposer de leur corps par l’accès à l’avortement, une véritable « chasse aux sorcières » pourrait s’installer durablement en se reposant sur l’analyse des données. Les données de géolocalisation, d’achat de ticket de transports, ou plus simplement de recherches sur des moteurs de recherche. Et si l’Etat renonce à mettre les moyens d’une telle surveillance, les groupuscules radicaux prêts à se mobiliser s’en frottent certainement les mains. J’ai été interviewé sur le sujet dans le Temps du 27 juin 2022 (pdf) pour résumer cette situation inédite dans l’histoire: une loi injuste à laquelle il deviendra peut-être impossible d’échapper en raison des avancées des technologies du numérique.

Data, Power and Loyalty Cards

The video about my research on loyalty cards is now available with subtitles in English on the WebTV of the University of Geneva.

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In a context where we use information technologies in our everyday life, which produce digitalised information about our activities and our tastes, do we still have control over our privacy? When facing this uncomfortable issue, most people argue that they “have nothing to hide”. They rather focus on what they can get in return for their personal data. Yet, these data they most often seen as trivial can potentially be turned by data mining algorithms to sensitive data that potentially give considerable power to those gathering them. In its PhD, Sami Coll analysed the complex link arising between information and power through the case study of the loyalty cards of the four main major mass retail companies in Switzerland.

Who owns privacy ?

A l’ère du tout digital, la protection de la vie privée est un sujet délicat et brûlant. Force est de constater que les lois actuelles, y compris la récente RGPD de l’Union Européenne, sont insuffisantes pour garantir une protection de la personne face, notamment, aux géants de l’Internet. Cela est dû notamment au fait que la définition des contours de la vie privée est devenue un enjeu politique et économique. On cherche à protéger la vie privée, certes, mais sans entraver l’innovation numérique. Dans un précédent article, j’arguais que la vie privée devenait même un outil de contrôle au service de la surveillance plutôt qu’un outil de protection. Ce sont ces aspects que je vais présenter en tant qu’invité d’honneur (keynote speaker) à la conférence The politics of privacy à l’Université Johannes Gutenberg de Mayence, qui aura lieu en décembre 2019, le jour de la Saint-Nicolas. Voir le programme.

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In the digital era, privacy is a growing subject of concern. Unfortunately, current privacy protection laws, including the GDPR of the EU, fail to protect privacy well enough, especially when it comes to the GAFAs. This is because the very definition of privacy has become a economic and politic subject of struggle. We look to protect privacy, while preventing it to limit digital innovation. In a former article, I argued that privacy even became a tool of governance rather than a tool of protection. That is what I am going to discuss as the keynote speaker for the Politics of privacy conference that takes place at the Johannes Gutenberg University in Mainz, Germany, in December, during the Saint-Niklas celebration. Here you can download the programme.

The Future of Democracy

J’ai été invité à titre d’expert au premier événement public de l’association à but non lucratif Azuni sur le thème de la place des technologies dans la société. Nous avons débattu notamment des pratiques suivantes: Est-ce que la protection des données présente une entrave à l’innovation numérique ? Comment assurer la pérennité de la confiance des citoyens à l’heure des fake-news circulant sur les réseaux sociaux ? En quoi devrait constituer une loi constitutionnelle censée protéger les citoyens numériques?  Comment assurer un fonctionnement démocratique digne de ce nom dans une infrastructure de e-démocratie?

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Faut-il taxer Facebook?

A l’occasion d’une intervention au journal de la Radio Suisse Romande, j’ai été amené à m’exprimer sur la motion du Conseil des états invitant le Conseil fédéral à modifier la loi pour exiger de Facebook qu’ils aient une représentation juridique en Suisse pour y assumer leurs responsabilités juridiques. Au delà de mon soutien à cette injonction, je suggérais l’idée d’une taxation répondant aux profits que la plateforme fait en exploitant les données privées des citoyens suisses. Une idée folle?

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Big data et démocratie

A l’occasion du dossier consacré à la façon dont le Big data tend à façonner nos vies et est en train de changer nos sociétés, j’ai exprimé dans une interview donnée au journal Le Temps mon inquiétude sur le fait que la question des dangers liés à l’accumulation et à l’utilisation des méga-données soit bien plus souvent réduite au point de vue, bien que légitime, de la protection de l’individu, et pas assez souvent sous un angle politique plus large.

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Trump, c’est fini?

Le 9 novembre 2016, de 18h00 à 19h30, le professeur André Mondoux me fera l’honneur d’intervenir dans mon cours Médias & société à l’occasion des résultats des élections américaines. Lors de cette conférence ouverte au public, il proposera une réflexion nourrie par une analyse médiatique des médias qui couvrira les malheurs de l’arène politique, l’usage des médias socionumériques aux petites heures du matin, du journalisme qui s’ouvre de plus en plus aux flux de données, ainsi que des discours d’une « droite décomplexée » n’hésitant pas à accuser les médias officiels de faire dans le complot politique.

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Une vie privée économico-policière?

En découvrant l’excellent article de Mehdi Atmadi dans le quotidien Le Temps du jour, je ne pensais pas avoir autant raison lorsque je rédigais mon article « La vie privée comme outil de gouvernance » publié en 2014 dans Les cahiers du numérique. Le nouveau préposé fédéral à la protection des données et à la transparence, choisi dans la plus grande opacité, est l’ancien vice-directeur de la police fédérale suisse. L’UDC (parti d’extrême-droite suisse xénophobe et ultralibéral) annonce qu’il aurait préféré avoir un fonctionnaire proche des milieux économiques. On ne peut pas mieux comme démonstration de l’instrumentalisation de la vie privée des citoyens à des fins politiques et économiques.

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I was unaware I was actually so accurate when I wrote my article « Knowledge, power, and the subjects of privacy: Understanding privacy as the ally of surveillance », published in 2014 in the Information, Communication & Society journal. The new privacy commissioner of Switzerland is the former vice-director of the Swiss Federal Police. He was chosen in total secret. The extreme right-wing party of Switzerland, both xenophobic and ultra-liberal, says that they would have preferred someone closer to the economic circles. A very explicit example of how privacy is now exploited to serve politic and economic interests rather than protecting values like freedom and common good.

Big Data et pouvoir

A l’occasion de mon intégration au Laboratoire de cultures et humanités digitales, la Faculté des sciences politiques et sociales de l’Université de Lausanne annonce ma nouvelle recherche sur les enjeux éthiques et sociétaux du Big Data. Cette recherche donne suite à ma thèse de doctorat (2010) et la parution de mon livre (2015) que la Faculté présente comme l’un des premiers travaux empiriques d’envergure sur le Big Data.

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A Few Provocations About Big Data

Interview à l’issue de ma présentation au Global Forum 2014, un think thank sur la société digitale réunissant acteurs gouvernementaux, chercheurs et représentants de l’industrie. J’y ai présenté une série d’hypothèses critiques qui dirigent ma recherche sur le big data.

Video of an interview right after my presentation at the Global Forum Conference 2014, a think thank on digital society with members from governmental agencies, the academia and industrials. I presented a list of hypotheses that lead my current research on big data.

Big Data, to make the world a better place?

Below the transcription of my presentation at the Global Forum 2014. Thanks a lot to the organizers for this great job! See also my after-presentation interview here.

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Big data is about knowledge, but what kind of knowledge are we talking about? Some of the experts in the social scientist area are of the opinion that causality doesn’t matter anymore. What matters is correlation between facts, to make analysis less science oriented and more efficiency oriented.

A humorous example of the use of correlation was given, by referring to the exchange between former Marine and combat veteran Joe Pyne and musician Frank Zappa in 1965. It went like this Pyne said, “Well, I see you have long hair. You must be a girl.” Zappa fired back, “So, I see you have a wooden leg. You must be a table.”

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La vie privée comme gouvernance

Sortie de mon article qui développe théoriquement et empiriquement l’idée que la notion de privée n’est pas à comprendre seulement comme une protection face à la surveillance, mais également comme un outil de gouvernance au service de la surveillance.

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My last article is now available. Based on a Foucaldian theoretical background and an empirical research, it argues that privacy should be seen not only as preventing surveillance practices from going too far, but also as a a tool of governance that makes it a valuable »partner-in-law » of surveillance.

L’allocation universelle: entre utopie et réalités

Qu’est-ce que l’allocation universelle? Quels sont ses penseurs, ses initiateurs, leurs arguments ainsi que ses principaux principes?

L’allocation universelle se présente comme une solution qui permettrait de dépasser la crise contemporaine du marché du travail qui rend impossible, selon les différents penseurs, tout retour au plein emploi. La solution est radicale: il s’agirait de remplacer les mesures de protection sociale actuelles par le seul octroi d’un revenu minimum de subsistance. Celui-ci serait inconditionnel et au montant égal pour tous, que l’on soit un riche banquier ou un chômeur de longue durée. De la sorte, disposer d’un emploi suffisamment rémunéré cesserait d’être une condition incontournable pour pouvoir vivre décemment. Les plus démunis retrouvent leur dignité et les moins démunis voient leur qualité de vie augmenter.

Le principe de l’allocation universelle certes est simple et séduisant, mais il n’est pas sans poser un grand nombre d’interrogations. D’aucuns craignent par exemple l’apparition d’une paresse endémique. D’autres, le triomphe d’un modèle néolibéral qui arriverait enfin à terme à supprimer toute forme de protection sociale.

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« Si l’ordre civilisé enlève à l’homme les quatre branches de subsistance naturelle, chasse, pêche, cueillette, pâture, composant le premier droit, la classe qui a enlevé les terres doit à la classe frustrée un minimum de subsistance. »

Charles Fourier, La fausse industrie, 1836

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